Sous son dôme de tissus à
bande rouges et blanches, décoré de fruits,
et de parures multicolores, Ganesha-prononcer -"Ganesh"- le
dieu à tête d'éléphant, a paradé pour
la 10e année consécutive, dimanche, dans les rues des 11e
et 18e arrondissements de Paris. Porté par des hommes torses et
pieds nus, devancé par des porteurs de "Cavadis" (arceaux
ornés de fleurs et de plumes de paon), des musiciens et des danseuses
en sari, extatiques, le char s'arrête une dizaine de fois, pour
recevoir les offrandes de la foule. Fruits, encens, camphre et feuilles
de bétel arrivés la veille du Sri-Lanka sont offerts au
"seigneur des êtres"par l'intermédiaire du prêtre
qui bénit ces dons.
Pendant les pauses, les fidèles cassent des centaines de noix de
coco en les jetant violemment au sol : par cette action rituelle, ils
brisent leur ego. Car dans la religion hindoue, tout est symbole. Dans
la flamme du camphre, feu de la connaissance fixé avec émotion
par la foule en procession, les croyants brûlent leur personnalité.
La trompe du dieu éléphant est le signe de son intelligence.
Et s'il n'a qu'une défense, c'est pour montrer qu'il se situe au-delà
de la dualité qui caractérise les hommes.
Divinité terrienne, favorisant chance
et bénédictions, Ganesh est très prié dans
le temple Sri Manicka Vinayakar Alayam, l'un des plus anciens de Paris,
logé dans le 18e arrondissement. Avec Ganesha siège Mourouga,
son frère mythique, divinité de la beauté, particulièrement
vénérée par les Sri-Lankais, qui composent la majorité
des hindous à Paris.
Son char, tout de bois sculpté et de décorations florales,
suivait de près celui de Ganesha dans la procession de dimanche.
La veille les deux statues avaient été longuement préparées
au cours d'une méticuleuse cérémonie.
Dans le temple, une toute petite salle débordait de fidèles
venus participer, par leurs prières, au rituel complexe qui permettra
aux statues de défiler, de longs mantras de louanges s'élevaient
et rythme la liturgie. Ganesha et Mourouga étaient arrosées
de lait, de miel, de fruits, et des flammes étaient approchées
de leurs corps de métal, sous les acclamations de l'assistance.
Régulièrement, les fidèles buvaient
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des gorgées de lait béni et apposaient sur leur front les
cendres consumées dans le feu de la connaissance.
"Notre religion, n'est pas un polythéisme : pour nous,
tout est Dieu, explique Swami Advayananda, un moine venus spécialement
de la Réunion, où l'hindouisme est la deuxième religion.
Tout peut être un support pour adorer Dieu, mais les textes ont
préconisé certaines formes pour la foule : l'une d'elle
est le dieu à tête d'éléphant.
Elles ne sont donc pas faites pour être vénérées,
mais pour être lues et comprises, sublimées : de la forme
on accède au sans forme"
En Inde , surtout dans la région de Bombay où Ganesha est
très important, d'immenses statues d'argile à son effigie
sont jetées dans les fleuves à la fin de la procession,
où elles s'évanouissent, fondues par les eaux. Une manière
de donner à un concept une forme tangible.
Le défilé aurait dû avoir lieu demain, quatrième
jour lunaire du mois d'Avani, mais pour d'évidentes raisons pratiques,
il est chaque fois avancé au dimanche. Historiquement,
les grandes processions sont liées au système de castes
: les membres des castes inférieures n'avaient pas accès
aux temples et pouvaient donc, une fois l'an, contempler leurs divinités.
Aujourd'hui, les castes sont abolies, et même si le système
est loin d'être éteint , les hindous de toutes origines
peuvent fréquenter les lieux de culte.
Il s'agit donc pour les divinités de bénir la ville et les
fidèles.
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La préparation a fini tard dans la nuit de samedi, mais tous étaient
là, dimanche, pour suivre la marche du "seigneur des êtres".
Une foule compacte d'hindous venus de toutes la France, et de curieux
mitraillaient les chars de leurs appareils : près de 25 000 personnes,
réparties le long du défilé et au sein du temple.
Un tel nombre est il important ? "On ne vient pas pour le monde
mais pour Ganesha,corrige Kumar, un des porteurs de chars, originaire
de l'île Maurice. On profite de cette occasion de prier ensemble
pour disperser l'ego. Les portes du paradis sont ouvertes, alors on s'y
engouffre, dans la transe, comme des affamés." Sa tâche,
il l'effectue sans peine :"Quand il y a de l'amour, il n'y a pas
d'effort, être ici c'est important comme de se réveiller
ou de se brosser les dents"
Naturel, en somme. Difficile, d'ailleurs, pour les fidèles d'expliquer
les raisons de leur présence, tant la chose est pour eux évidente.
"J'ai presque pleuré pendant la procession, c'était
vraiment important pour moi"confie Amelia, une étudiante
américaine tournée vers cette religion, qui a eu le privilège
de porter le lait lors du défilé.
Les chars sont arrivés au temple, et dans des files serrées,
les fidèles se pressent encore pour donner des offrandes aux dieux.
Des rires éclatent un peu partout dans une explosion de couleurs,
de senteurs et de goût. La nourriture est distribuée avec
de grands sourires. Tout est fait pour être beau.
Guillaume BAROU
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Le temple de Ganesha a vingt ans
Il y a plusieurs temples hindous à
Paris, mais le plus ancien est probablement le Sri Manicka Vinayakar Alayam,
situé au milieu d'une petite rue du 18e arrondissement. Fondé
en 1985, il acceuille dans ses locaux exigus des fidèles majoritairement
sri-lankais
- une communauté forte de plus de
26 000 personnes en France - une vingtaine à chacune des trois
"pujas", cérémonies de prières, célébrée
chaque jour de la semaine, et quelque 500 le week end, selonVaitiligam
Sanderasekaram, son directeur. "Il y a dix ans, un miracle a eu
lieu, affirme ce dernier, les statues de Ganesha ont bu du lait
versé sur elles. C'est là que nous avons décidé
d'instituer la procession"
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