À l’occasion de la 17e   fête de Ganesh, organisée dimanche 2 septembre à Paris par   l’association tamoule Sri Manicka Vinayakar Alayam, les hindouistes de   France cherchent à se faire mieux connaître. 
            
              Essentiellement pratiqué par des immigrés du Sud-Est asiatique, l’hindouisme attire de plus en plus de Français d’origine.
              
              Entre la gare du Nord et la   station La Chapelle à Paris, le quartier est surnommé « Little Jaffna »,   car la majorité de ses habitants sont des Tamouls ayant fui la guerre   civile au Sri Lanka (1). C’est là que l’on trouve le premier lieu de   culte hindou de France, le temple tamoul Sri Manicka Vinayakar Alayam.   Fondé en 1985 rue Philippe-de-Girard, dans le 10e   arrondissement, ce temple est installé depuis 2010 rue Pajol (18e   arrondissement). 
               « À partir des années 1980, ces Tamouls   sri-lankais ne pouvant plus se rendre en Grande-Bretagne du fait du   durcissement des lois sur l’immigration, se sont installés en France » , explique Anthony Goreau-Ponceaud, géographe et maître de conférence à   l’IUT de Périgueux, qui a consacré sa thèse à la diaspora   tamoule. Arrivant par la gare du Nord, ces Tamouls sont restés là,   reconstituant un « ethnoterritoire », dans lequel Anthony   Goreau-Ponceaud a recensé plusieurs tamoulcholaï  (écoles de tamoul) et bharata natyam  (écoles de danse classique du sud de l’Inde), ainsi que 178 commerces ethniques.
               « Nous   avons mis trois ans pour obtenir les autorisations de la mairie de   Paris, mais seulement trois mois pour tout construire » , raconte fièrement Vaitililgam Sanderaskaram, Sri-Lankais arrivé en   France en 1975 et fondateur-propriétaire-gérant du temple de la rue   Pajol. Tout autour des 100 m2  ; en rez-de-chaussée, des autels en ciment aux couleurs vives, tels que   l’on peut en voir en Inde du Sud, abritent des statues en granit noir ou   en cuivre des trois figures majeures du panthéon tamoul : Shiva, sous   forme de lingam (pierre dressée) ou avec le taureau Nandi, Ganesh à tête   d’éléphant et Murugan, frère de Ganesh. Au centre, un kodemaram , colonne de bois sculpté et orné de cuivre, « transmet les prières aux divinités, telle une antenne » , selon Vaitililgam Sanderaskaram.
              
              Corbeille d’offrande
              Ce jour-là, la famille Nandakumaran a sollicité une puja  (cérémonie) dédiée à Ganesh, en vue d’« enlever les obstacles sur notre route, faciliter nos actions et développer nos entreprises » . À tour de rôle, les trois prêtres brahmanes, payés (au smic) par   l’association Sri Manicka Vinayakar Alayam, psalmodient des mantras en   sanscrit et enduisent deux statues de Ganesh successivement « d’huile,   de farine de riz, de safran, d’herbes en poudre, de fruits, de miel, de   lait, de yaourt, de canne à sucre et d’eau de rose » , tout en faisant brûler du bois sec et des pétales de roses avec du beurre liquide. 
              De   nombreux fidèles entrent et sortent. À l’entrée, Vaitililgam   Sanderaskaram tient la caisse : à 8 € la corbeille d’offrande (une noix   de coco, une banane, des bâtons d’encens et un morceau de camphre),   celle-ci se remplit très vite. Sachant que, certains jours, près d’un   millier d’hindous passent ici, l’affaire se révèle assez florissante. « Hindouisme et business ne sont pas contradictoires »,  confirme Anthony Goreau-Ponceaud.
              
              170 000 hindous
              En   France, la plupart des 170 000 hindous appartiennent à la diaspora   indienne, celle-ci étant constituée de trois groupes principaux : les   Franco-Pondichériens (du fait de la présence française dans cette ville   de 1671 à 1962) sont estimés à 70 000 ; les Tamouls d’Inde, originaires   du Tamil Nadu, à 30 000 ; les Tamouls du Sri Lanka à 50 000. Il faut   ajouter des dizaines de milliers d’Indo-Réunionnais et d’Indo-Mauriciens   installés dans l’Hexagone depuis les années 1970 et des Népalais plus   récemment arrivés. 
              Sans parler de quelques milliers de Français   d’origine qui pratiquent l’hindouisme par le biais du yoga, ou à la   suite d’un voyage en Asie, ou encore d’une quête spirituelle qui les a   menés vers cette tradition sans dogmes ni structures. « On prend ce qu’on veut, rien n’est imposé »,  s’enthousiasme un jeune cadre qui fréquente depuis peu le temple de la   rue Pajol après avoir été bouddhiste durant quelque temps.
              
              Le spectacle est haut en couleur
              Selon Anthony Goreau-Ponceaud, sur les 14 temples hindous que l’on compte actuellement « 11 ont été bâtis par des Tamouls sri-lankais ».  Ceux-ci sont les plus présents dans les médias français, notamment à   l’occasion de la fête de Ganesh. Organisée depuis 1996 chaque dernier   dimanche d’août (ou premier de septembre) par l’association Sri Manicka   Vinayakar Alayam, cette procession, au départ de la rue Pajol, attire   plus de 25 000 personnes, hindous et badauds réunis. 
              Tout au long   du parcours, le spectacle est haut en couleur avec des joueurs de flûte   et de tambour, des danseurs et danseuses portant des « cavadis »   (arceaux ornés de plumes de paon) ou des pots d’encens, sans oublier des   chars de Ganesh et de Murugan, couverts de régimes de bananes et de   guirlandes de fleurs, et tirés par d’immenses cordes. Quant aux fidèles,   ils cassent des centaines de noix de coco en les jetant violemment au   sol : une manière de briser son ego et d’ouvrir son cœur à Ganesh.
               
              
                (1) Ce conflit a duré officiellement de 1983 à   2009, mais il a débuté dès 1972 et n’est toujours pas complètement   terminé. Il oppose la majorité cinghalaise bouddhiste (74 % de la   population) à la minorité tamoule hindoue (18 %), dont l’organisation   séparatiste (Libération Tigers of Tamil Eelam, LTTE) lutte pour un État   indépendant dans le nord-est du Sri Lanka. Ce conflit a causé plus de   70 000 morts depuis 1972.